|
|
Roberto Gimeno *
mars 2002
à l'occasion de l'exposition "Réminiscence d'un
palimpseste", Espace Jean de Joigny
29 juin au 8 septembre 2002
Jorge Luis BORGES dit que "Gibbon, dans son XVIIIe siècle,
comme celui qui rêve en sachant qu'il rêve, a encore
rêvé ce que les hommes des cycles antérieurs
avaient vécu ou rêvé, dans les murailles de
Byzance ou dans les déserts arabes". D'une manière
semblable, Redonnée s'interne dans l'imaginaire des peintres
des siècles passés, et restitue leurs images sous
forme de labyrinthes oniriques où l'on s'égare en
traversant des mirages.
Chacune de ses oeuvres puise dans le bagage de la peinture, et
ce qui aurait pu être détournement devient évocation.
Redonnée suit la logique du collage : découpage,
fragmentation, recollage des fragments.
Aux six variations visuelles qui construisent toute image (taille,
valeur, grain, couleur, orientation et forme), se superpose l'ambiguïté
du flou et de la transparence.
Le système perspectif se démultiplie en infinité
de point de fuite, les espaces s'interpénètrent. La
figuration du monde se déconstruit en éclairages,
fulgurances, irisations.
Ce travail sur les matériaux provoque des glissements de
sens : chaque objet se transforme en signe d'un nouveau discours,
construit suivant une nouvelle syntaxe, qui exprime l'irrationnel,
le rêve, le phantasme.
L'oeuvre de Redonnée est oeuvre de poète autant
que de plasticien.
mars 2002
* Docteur en Sciences de l'information et de
la communication, a enseigné la Sémiologie graphique
à l'E.H.E.S.S. (Ecoles des Hautes Etudes en Sciences Sociales).
Maître de Conférences des Universités (Sciences Po, Paris).
J.-P. Thiébault
réflexion avant colloque, 1997
lettre
manuscrite
G.B.
Ode à mon amie M.R. - printemps 2008
Voici une artiste brillante, génialement douée, d'un
talent fou et qui mériterait d'être enfin reconnue.
Je pourrais dire : pour être encouragée, en aucun cas
pour continuer, elle n'en a pas besoin, même dans les pire
moments, elle est comme un phénix, prête à inventer
une nouvelle couleur.
Alors encouragée, si, pour le bonheur d'une reconnaissance
qu'il lui ferait du bien, physiquement, car tant d'années
de recherche l'ont un peu abîmée...
Vers ses trente ans, un jour ou je passais sans prévenir,
je l'ai entendue chanter sur un duo de Haendel avec Kathleen Ferrier
dans un registre de mezzo-soprane. Elle était encore au lycée,
qu'elle coupait et cousait une jupe et une cape, en lainage, doublées!,
sans aucun modèle... Elle dû s'arrêter, vers
ses vingt cinq ans, d'exercer momentanément son métier
de graphiste pour des raisons personnelles: qu'a cela ne tienne,
durant neuf mois elle va plonger dans la céramique, qu'elle
avait déjà abordée quelques temps auparavant.
Un jour, lui vient une autre idée: un concept global, absolu,
d'un flacon de parfum, pour le parfum dans son essence même,
littérale: elle va faire une série de prototypes en
plastiline, puis en résine, sans avoir jamais fait cela avant.
Pendant vingt ans elle fut graphiste indépendant et en même
temps, elle continuait à exposer et à apprendre: c'est
là que je l'ai rencontrée, lors d'un cours aux Hautes
Etudes en Sciences Sociales, auquel elle assistait en auditeur libre.
Sa photothèque est constituée de plus de huit mille
ektas 24x36; après deux années de « consternation
» quand le numérique a tout envahit, elle s'est remise
enfin à la prise de vue, autant argentique que numérique
et dans le même temps aux logiciels de traitement de l'image.
Un dîner, chez elle, est une véritable fête des
yeux et du palais. Elle vient de recommencer la couture, pour son
usage privé.
Mais comme ma joie fut grande quand elle m'annonçât
qu'elle allait vraiment assumer sa vocation d'artiste et le faire
à corps perdu, à temps plus que très plein.
Et même si je ne suis pas sans savoir que, bien souvent, sa
vie matérielle tient du funambulesque, je suis heureux qu'elle
puisse nous donner tant d'oeuvres qui éclairent nos vies.
J'en ai une, immense, dans l'entrée de mon petit appartement
parisien et elle m'accueille chaque jour à mon retour, comme
une brassée de pivoines parfumées au printemps.
Je lui dis merci, continue
Jean-Damien Roumieu *
l'Olivié, supplément culturel, n° 60 de mai 1997
Face à la surenchère de non-sens qui, suivant les
lourdeurs parfois criantes de notre siècle, tend à
envahir notre univers plastique, il est bon de rencontrer des artistes
qui parviennent à nous faire aimer le monde. Martine Redonnée
est de ceux-là, témoignant par son oeuvre nécessaire
à rejaillir vivant de la vague pas trop salée de la
morosité. Cette énergie, c'est dans l'optimiste débordant
et dans la légéreté de sa sensibilité
qu'elle la puise.
Et ce, d'autant qu'elle met en valeur, avec une grande délicatesse,
des oeuvres du passé, suscitant ainsi la résurgence
de nos racines les plus secrètes et fondées. Ces oeuvres
électiques sont assemblées de manière judicieuse
et pertinente, jusqu'à constituer une peinture organique,
et à elle-même suffisante. Celle-ci vous invite à
un voyage plein de surprise qui vous emènera des fresques
de Lascaux au monde plus contemporain, en passant par les fascinants
portraits du Fayoum, par les figures médiévales ou
celle de la renaissance.
Aucune rigidité didactique dans ces toiles, mais, bien au
contraire, une traversée des siècles qui semble épouser
la fluidité du rêve, dans des évocations subtiles
et des mouvements de couleurs à la fois tendres et riches.
Une aventure onirique dans les soutènements de l'âme
humaine. Le passé renouvelé et comme purgé
de son épaisseur et de son opacité. Le passé
enfin accordé à ce qu'un Baudelaire aurait nommé
l'idéal. Et nous entendrions Faulkner nous dire : "Le
passé n'est pas mort, il n'est même pas passé".
Martine Redonnée recouvre en effet notre réalité
du voile de cette mémoire culturelle à laquelle elle
donne une actualité et une transparence quasi-magiques.
Composant ces évocations avec une grande cohérence
plastique, dans des chatoiements de moires précieuses, elle
parvient à nous faire partager l'ardeur de son regard pour
ces figures qui, à leur heure, ont habité le monde
et ont su retenir l'attention des peintres.
De même que cette artiste passionnée, au travers de
son interrogation permanente sur le temps et ses ressources, a fait
rencontrer, dans le silence habité de ses oeuvres, des êtres
de toutes les époques, souhaitons de même que se rencontre,
au Cloître des Arts où elle expose, un nombreux public
en quête de saine nouveauté et de sereine beauté.
* écrivain, journaliste, poète
Francisca Rosenthal
été 2000
Texte original pour le catalogue
de l’exposition de Ligny le Châtel.
The work of Martine Redonnée calls into awareness
the ancient wisdom that one cannot step twice into the same
river. So it is with memory, for memory is not static, but
a conduit bridging the past with the future, always mediated
by the present and therein lies its power to illuminate.
While eschewing the wholly familiar, Martine weaves fugitive
fragments like "un-sewn words" that have an oneiric
quality permitting the viewer to travel within the work. Released
from mere logic the viewer meets the artist in silence, unhampered,
travels into that mystery and discovery which is the labyrinth
of our own lives. A form of alchemy is achieved wherein the
artist's interior world meets with our own. The courageous
gift she extends by virtue of her own search is an invitation
to break through all imagined boundaries of time, space and
culture thus revealing rather than constricting.
As through a dream, she guides us gently towards our own
deepest self, our deepest longings, perhaps towards repentance,
perhaps towards abundance, towards a sense of our own unlimited
wholeness. |
|
Traduction française
du texte de Francisca Rosenthal, artiste conceptuelle, avec
son assentiment.
Le travail de Martine Redonnée donne raison à
cet ancien précepte, selon lequel on ne marche jamais
deux fois dans la même eau. Car il en est ainsi de la
mémoire, jamais statique, allant du passé au
futur, interpellée par le présent, qui, en miroir,
l’illumine.
Bien loin du quotidien, ce peintre tisse de fugitifs fragments,
tel des mots décousus, dont l’onirisme nous emporte
dans la matière de son travail. Débarrassé
de la logique ordinaire, l’observateur aborde l’œuvre
en silence, libéré de toute emprise, pour parcourir
les mystères et les découvertes que sont les
labyrinthes que constituent nos propres vies. Une forme d’alchimie
est accomplie lorsque, d’aventure, l’univers intérieur
de cet artiste rencontre le nôtre. Le présent
qu’elle nous tend, du fait même de ses propres
recherches, est une invitation à nous libérer
de toute limite - de temps, d’espace et de culture -
qui, bien loin de nous révéler, ne constitue
qu’un carcan.
Tout comme dans un rêve, elle nous prend par la main
doucement, pour nous mener vers notre moi profond, vers notre
attente fondamentale, peut-être vers une repentance,
peut-être vers une luxuriance, du côté
d’une intégrité sans limite. |
texte de Yonne républicaine
11.8.2004
coupure de presse (à venir)
Dominique Souchaud, réd. chef d'Artension
à l'occasion d'exposition de Villeneuve-sur-Yonne, été
2004
coupure
de presse
Florence Douziech
L'émergence des siècles - juin-juillet 98
L'on dirait à s'y méprendre un Vasco de Gama en campagne
mais ne nous laisse-t-il pas effeuiller plutôt les méandres
de son âme que la route des Indes ?
Quel est donc cet émouvant visage de madone aux paupières
pudiques qui calque son image diaphane sur le sien ? Est-ce celle
qui l'attend par-delà les mers ? Elle semble davantage surgir
d'une d'une enluminure médiévale que d'une céleste
Renaissance ! Mais voilà qu'un mage enrubanné hisse
son port souterrain à travers un poudroiement d'or, s'est-il
égaré dans les sables blancs des Evangiles ? Et qu'espèrent
tous ces gens en armes, impénétrables comme des statues,
traquent-ils le présent pour que perdure sans partage leur
image déjà passée ? A en croire son oeuvre
peuplée par un étonnant télescopage d'époques,
Martine Redonnée use de la toile de lin, des collages et
des pastels comme un vaste palimpseste.
La mémoire d'une vie s'effrite sous l'ascension d'une autre,
laissant cependant derrière elle la marque indélébile
de son passage. Et le temps s'abolit dans la rencontre émouvante
et sensuelle de passés recomposés pour une éternité.
Du 2 au 15 juillet, Aumônerie Saint-Jacques,
84220 Gordes.
texte de Pascal Fux
mai 2008
(à venir)
|
|